Sous la verrière, un cahier d’exercices ouvert côtoie un échiquier monumental. À quelques pas, des notes d’épices flottent : un atelier cuisine s’est emparé de l’ancien rayon chaussures. Les centres commerciaux ne vendent plus seulement des baskets ou des téléviseurs. Ils orchestrent désormais une valse de rencontres, d’expériences et de découvertes, effaçant peu à peu la ligne de démarcation entre courses et moments de vie.
Chaque mètre carré se métamorphose : marché de producteurs, coin sportif ou espace de travail partagé, tout y passe. Finie l’image du hangar impersonnel. Qui aurait parié qu’on pousserait ces portes pour y vivre des instants à partager, bien avant de remplir un panier ?
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Centres commerciaux : un modèle en pleine mutation
Le Mapic, grand-messe cannoise du secteur, donne le tempo année après année : la mission des centres commerciaux se redéfinit. Désormais, il ne s’agit plus de compter les passages en caisse mais de réinventer l’expérience, d’offrir un supplément d’âme. L’immobilier commercial affronte sans détour une nouvelle réalité. Symbole frappant : l’abandon du projet Europacity, mastodonte déconnecté du terrain, a marqué les esprits – une époque s’achève.
La vacance commerciale gagne du terrain en France. Les chiffres stagnent, secoués par le commerce en ligne et la montée des retail parks en périphérie. Procos et l’INSEE dressent le même constat : le flux de visiteurs faiblit, le e-commerce grappille sans relâche parts de marché. L’ensemble du secteur se retrouve au pied du mur : il faut transformer ces espaces ou les voir dépérir.
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Le centre commercial – le modèle du site de Chavannes en Suisse en est l’illustration – ne se contente plus d’aligner vitrines et marques. Il se nourrit désormais du tissu urbain, injectant loisirs, culture, services et vie quotidienne entre ses murs. Les nouveaux quartiers commerciaux veulent capter l’air du temps, marier shopping, détente, apprentissage et rencontres.
- Espaces de coworking intégrés
- Animations et événements réguliers
- Offre de restauration élargie et concepts hybrides
- Services médicaux, sportifs, culturels
L’avenir des centres commerciaux français se joue ainsi à la frontière de l’expérience, de la proximité et d’un nouveau rapport avec la ville et ses habitants.
Pourquoi ces espaces deviennent-ils de véritables lieux de vie ?
L’architecture ne se contente plus de calculer des mètres carrés à louer : elle s’attache à façonner l’expérience client. Fini le simple alignement de boutiques ; le public réclame aujourd’hui des espaces inspirants, des parenthèses à partager, des lieux qui accueillent aussi bien les enfants que les amateurs de culture ou de gastronomie. Les millennials, toujours en quête d’inédit, veulent être surpris, pouvoir flâner, s’attarder, savourer. Jean-Paul Viguier, architecte, parle même de « shopping promenade » : un parcours pensé pour la déambulation, les rencontres, le plaisir de s’attarder.
En puisant dans les codes de l’urbanisme – à l’image du programme Action Cœur de Ville – les centres commerciaux cherchent à raviver le tissu local. L’éventail de services s’élargit et attire de nouveaux publics : familles, seniors, actifs en télétravail. La Fédération des Acteurs du Commerce le souligne : désormais, une aire de jeux ou un restaurant attire autant qu’une grande enseigne. Le cabinet médical, la galerie d’art, l’atelier créatif deviennent des locomotives à part entière.
- Espace de restauration ouvert vers l’extérieur
- Services médicaux ou paramédicaux accessibles sur place
- Ateliers créatifs et animations pour les plus jeunes
- Espaces de seconde main, marchés éphémères
La demande de mixité des usages impose sa logique : le centre commercial se transforme en micro-ville connectée. Le marketing événementiel remplace l’affichage traditionnel : une étude IMediaCenter le confirme, l’événementiel façonne désormais l’acte d’achat. Les gestionnaires misent sur l’émotion, la surprise, le lien social. Résultat : un regain d’attractivité, parfaitement ajusté aux désirs contemporains.
Des innovations concrètes pour répondre aux attentes des visiteurs
Les centres commerciaux jouent la carte du laboratoire d’innovations. Le numérique investit chaque recoin : Wi-Fi haut débit, applis mobiles pour se repérer ou cumuler des points, bornes interactives qui orientent ou conseillent. Le phygital s’impose : l’expérience physique fusionne avec la technologie. Le click and collect fleurit, simplifiant la vie de celles et ceux pour qui chaque minute compte.
Dès l’entrée, l’engagement pour le développement durable se donne à voir : parkings équipés de bornes électriques, panneaux solaires sur les toits, gestion affinée des déchets. Les terrasses se couvrent de verdure, les façades s’ouvrent sur des jardins. Les normes urbaines poussent à une meilleure intégration dans la ville, forçant les acteurs à inventer sans relâche.
- Cabinets médicaux intégrés, comme à Strasbourg
- Espaces de réinsertion professionnelle animés par des associations telles que Vêtis
- Parcours ludiques : petits trains pour enfants, ateliers créatifs
L’offre se diversifie encore : restauration locale, espaces de seconde main, animations en continu. Jonas Schodel, à la tête d’une « shopping promenade », le constate : la personnalisation, portée par la data, fidélise de nouveaux profils. Ces nouveaux centres commerciaux s’affirment connectés et agiles, mais aussi responsables – tout sauf des lieux figés. Un pas de plus vers la ville de demain, où l’on vient autant pour vivre, travailler, rêver que pour faire ses courses.